La qualité nutritive des variétés anciennes

( Extrait du compte rendu de la "Rencontres nationales autour de la boulangerie paysanne"
organisée par ASPARI et et Réseau Semences paysannes en 2005 )


... c’est aussi la qualité nutritive de leur pain qui amène les paysans boulangers à rechercher des variétés de blé différentes. Des médecins, dont le plus connu est le Dr Seignalé (1) qui a écrit un livre sur le sujet, observent de plus en plus d’intolérances au gluten chez leurs patients et obtiennent des résultats (disparition des symptômes) en supprimant purement
et simplement le blé de leur alimentation. Brigitte Fichaux, invitée des rencontres, explique que les allergies au gluten sont connues depuis longtemps : les molécules de gluten attaquent les villosités intestinales (qui permettent l’absorption des nutriments), ce qui provoque des saignements et peut entraîner la mort.

 Si ces allergies sont en
légère augmentation ces dernières années, ce sont surtout les intolérances qui se développent (ou en tout cas on les diagnostique mieux…). Le gluten est un ensemble de protéines insolubles dans l’eau mais solubles dans l’alcool. Il existe donc des gluten différents dans les différentes céréales : on peut donc être intolérants au gluten du blé et pas au gluten de l’avoine. Le gluten est par ailleurs la molécule indispensable à la panification. Les intolérances au gluten se traduisent par une suite alternée de petites diarrhées, constipations et ballonnements, mais aussi des reflux gastrique, des acidités (ulcères), des hémorroïdes, etc. Mais, plus curieusement, il existe d’autres manifestations qui n’ont rien à voir avec l’appareil digestif : eczéma, acné, psoriasis, asthme, pathologie articulaire, troubles du comportement et hypoglycémie. Face à ces intolérances, Brigitte Fichaux obtient des résultats avec le seul fait de passer au seigle, en remplacement du blé. Mais dans les cas plus graves, il faut passer 2-3 mois sans gluten, puis on arrive à réintroduire petit à petit certaines céréales comme l’épeautre (à priori, tant le petit que le grand épeautre donnent de bons résultats, selon Brigitte Fichaux).

Jean-François Berthelot signale que l’amélioration boulangère du grand épeautre (triticum spelta TS) a été obtenue en croisant du TS avec du blé. On peut donc douter de la différence réelle entre les grands épeautre du type « Rouquin » et les blés modernes.  A ce sujet notons que Peter Kunz, sélectionneur bio suisse, possède une variété d’épeautre
TS moderne n’ayant pas de blé dans sa généalogie. Jean-François Berthelot reconstitue une collection d ‘épeautre TS de pays dans cette optique.

L’intuition des paysans boulangers est que cette intolérance vient de la caractéristique des molécules de gluten présentes dans les variétés modernes (et aussi anciennes dans certains cas) de blé. En effet, un critère utilisé par la meunerie industrielle est le taux de protéine, ce qui a orienté toute la sélection variétale en ce sens (obtenir un taux de protéine maximum). La dernière étape de cette sélection est la généralisation depuis 20 ans des blés « hard » ayant un fort taux de protéines. Ainsi l’hypothèse du professeur Seignalé est que les protéines de gluten des blés modernes ont évolué avec la sélection et que nos enzymes digestifs n’ont pas évolué au même rythme.

L’hypothèse des paysans boulangers est que les protéines de gluten des variétés anciennes sont différentes et plus digestibles.

(1) Le Docteur Jean Seignalet, Maître de Conférences à la faculté de Médecine de Montpellier, est l’auteur de
« L’alimentation ou la troisième médecine »